allo maman bobo ─ yue le rejeton.
Salem Hours :: RP terminés / abandonnés

Ce soir, on boit. Depuis ce matin, ça lui pendait au nez, au pauvre Sugimoto Shohei. C'était écrit, que ce soir ne se terminerai pas bien, écrit et acté en franchissant le seuil de la clinique vétérinaire en serrant très fort Pon dans ses bras et en lui grattant gentiment le cou pour tenter de rassurer le pauvre félin visiblement en mauvaise forme qui brisait son cœur au moindre petit miaulement de détresse. Après tout ce qu'il avait vécu, un divorce, un pacte avec un démon, un rituel raté... Et pourtant il se sentait impuissant dans cette salle d'attente, réduit à susurrer des mots rassurants sans queue ni tête pour se distraire des griffes fermement plantées dans sa chair. Et tant pis si la secrétaire fronce les sourcils en l'écoutant entre deux appels.

Toute la journée, la boule au ventre, les lèvres et les poings fermement serrés. Shohei travaillait tellement et passait tant de temps au restaurant qu'il ne voyait pas son animal tant que ça mais la simple idée qu'il pouvait être mal accaparait toute sa tête au point qu'il était à deux doigts d'oublier certains ingrédients si ses clients ne lui lâchaient pas quelques remarques pour être sûrs qu'il faisait bien attention à ce qu'il leur cuisinait. Il faisait tout plus lentement, de peur de perdre des phalanges supplémentaires, sachant très bien qu'il n'arriverait tout simplement pas à se sortir de la tête ses tracas du jour.
Heureusement qu'il n'était plus humain car il était si préoccupé qu'il mourrait sûrement de faim et de déshydratation, à ce rythme là. Les aiguilles de l'horloge avançaient sûrement au ralenti : il faudrait penser à changer la pile, peut être en racheter au supermarché avant de rentrer à la maison... La journée semblait interminable, même s'il avait prévu d'avance qu'il fermerait plus tôt et malgré les nombreuses pauses cigarettes pour tenter de se détendre. Même allumer la radio pour se changer les idées, chose habituellement très efficace grâce à son envie constante de chanter, n'avait pu lui remonter le moral. Cette série noire était pourtant loin d'être finie, malheureusement pour lui. Il restait encore beaucoup à endurer.


Notamment le coup de fil de 12h47, annonçant qu'après avoir observé Pon, qui est resté très sage et docile, bravo, ... ils n'étaient pas encore sûrs du diagnostic et donc du traitement et annonçaient qu'ils comptaient faire de nouveaux examens, notamment une radio. Le coup dur.

Ses clients réguliers, des habitués qui ne s'encombraient plus tant que ça avec la politesse, avaient même fini par menacer le cuisinier de ne plus jamais fréquenter son établissement sur 4 générations s'il n'arrêtait pas de leur montrer des photos et des vidéos prises de son chat avec un regard triste et de longues tirades larmoyantes sur tout l'amour qu'il portait pour sa boule de poil "si mignon, je te jure, la nuit dernière il est encore venu se coller contre moi pour ronronner dans mes oreilles pour me bercer !".


Le propriétaire du restaurant avait fini par se retrouver tout seul, les derniers clients déjà partis après avoir glissé quelques mots d'encouragement et des moqueries sur l'attachement inconditionnel qu'il portait à ce "sac à puces". Aussi détestables qu'ils avaient pu être pour oser contempler une énième photo du même chat blanc un peu gros et pas plus photogénique que ça, ils avaient peut être raison, il était sûrement trop proche de Pon... Ils n'avaient certainement pas raison pour les puces, par contre, comment pouvaient-ils oser émettre des doutes sur la propreté de sa fourrure si soyeuse ? Aucun respect, même de la part des anciens, mais où va le monde ?


... A Shibuya, visiblement, pour noyer ses problèmes. C'est là que ses pas l'avaient mené après un nouveau coup de fil, juste après la fermeture, qui annonçait qu'ils garderaient son animal en observation pour la nuit pour pouvoir ajuster au mieux le traitement et s'assurer de son efficacité. Shohei n'avait pas imaginé qu'il puisse être plus inquiet qu'il l'avait été dans l'après-midi, avant d'être planté là, sur le chemin du retour, le téléphone encore collé à son oreille, en train d'imaginer devoir rentrer et ne pas entendre le roucoulement qui était devenu l'accueil habituel depuis des années. Rentrer ce soir sobre et triste était donc hors de question. Il ne restait plus qu'à trouver un endroit pour tenir le plus longtemps possible sans avoir à réfléchir à quoi que ce soit contenant les mots "médicaments", "opération" ou encore "vétérinaire". Une recherche rapide sur internet lui donna l'adresse d'un bar proche, bien noté par les internautes et avec des horaires particulièrement tardifs. Parfait. Une fois entré, il se dirigea directement au bar pour s'adresser au barman mais hésita, ne sachant pas quoi commander. Il n'était pas du genre à boire souvent et depuis sa "transformation", il n'avait que très rarement commit ce genre d'excès, mais il se sentait un peu ridicule d'avoir fait tout ce chemin pour se retrouver sans voix devant le barman.


─ heu... très mauvaise journée. ... qu'est-ce que tu me conseilles pour oublier ?

Il y a deux choses que j’aime dans mon métier. Les cocktails et les histoires. Je suis barman depuis de nombreuses années, alors autant dire que je suis servi sur les deux tableaux. J’ai d’ailleurs un certain nombre de création à mon actif dont je suis plutôt fier. Il m’arrive de participer à des concours ou encore de me prêter au jeu des formations en allant donner quelques leçons dans les lycées professionnels de la ville. Quant aux histoires, je suis toujours aux premières loges. Après tout, vers qui se tourne-t-on quand on a besoin d’un verre mais aussi de vider son sac ? Moi. Je serre les gens, les gens boivent et ça délie les langues. C’est mathématique et classique. Certaines histoires sont drôles, d’autres tristes. Il y en a des passionnantes et d’autres carrément mortelles. Il m’arrive de mourir d’ennui, plus qu’on ne le croit mais à force j’arrive à repérer les bons clients des mauvais. Ceux qui vont me faire voyager à travers leur récit de vie ou encore me captiver avec leurs petits traquas. Dans tous les cas je suis une tombe et avec moi, les secrets sont bien gardés.

Ce soir est un soir plutôt ordinaire. Les clients s’enchainent et au final se ressemblent tous. D’ailleurs ils ne sont pas très bavards cette nuit à mon grand regret. L’ennui commence à s’installer et je n’ai même pas un joli minois à draguer pour faire passer le temps. Et puis il y a ce type qui entre et qui vient directement s’installer au bar. Lui, c’est la première fois que je le vois ici. Je ne connais pas tout le monde, il y a bien trop de va et vient mais à force je connais les habitués et repère facilement les nouveaux visages.

Avant même qu’il n’ouvre la bouche pour me demander quoi que ce soit, je devine qu’il a besoin d’un verre. D’ailleurs j’ai du mal à réprimer un sourire lorsqu’il m’annonce la couleur. Lui, il n’y va pas par quatre chemins et j’aime ça ! En plus il a l’air de me laisser plus ou moins carte blanche alors je vais pouvoir expérimenter une nouvelle création et si j’ai de la chance non seulement il me donnera son avis mais en plus il aimera peut-être.
« Je crois que j’ai ce qu’il vous faut. »
Je m’accoude au comptoir et ajoute tout en lui faisant un deux avec mes doigts :
« Deux options. Soit je vous fais un cocktail au cola, soit un cocktail au jus de fruit. »
Comme il a la tête du mec qui ne boit pas souvent je préfère l’orienter vers des cocktails de ma création plutôt que vers des alcools forts. Après tout s’il est déprimé à cause d’une sale journée, autant lui faire passer une agréable soirée avec une boisson légère mais très alcoolisée qui lui fera oublier tous ses petits tracas.
« Dans les deux cas il s’agit d’un mélange d’alcool fort qui passera comme une lettre à la poste. »
Et après quelques gorgées, il n’aura plus qu’à vider son sac. D’ailleurs je ne sais pas vraiment pourquoi mais je sens qu’il a des choses très intéressantes à me raconter !