on a pas tous les mêmes chances, quand on commence dans la vie. toi, tu étais plutôt mal parti. 5 frères et sœurs, tous plus jeune, et certainement pas assez de moyens pour acheter des vêtements à chaque nouvelle génération, et tant pis pour Yukiji si elle doit mettre les pantalons de ses grands frères. Élevés à la campagne et certainement pas promis à un avenir brillant et grandiose. Rien que d'avoir fini à "la ville", ce fut une consécration incroyable.
Toute cette marmaille, il fallait bien s'en occuper, sauf que papa et maman doivent travailler dur, donc on laisse le plus grand s'en occuper. Shohei se sent même comme un père de procuration pour le deuxième enfant de la famille, avec qui il n'a pourtant que quelques années d'écart. Et tant pis s'il n'a pas le temps de s'amuser avec les jeunes de son âge, tant pis s'il se sent un peu seul, tant pis s'il a tout juste le temps de travailler et de dormir à l'école pour aider ses parents à nourrir toute la fratrie. Il avait peu de liens avec les personnes hors de sa famille mais c'était à ses yeux un petit sacrifice et ne s'imaginait pas encore qu'il se retrouverait incapable d'avoir des conversations normales avec les autres sans les étouffer avec des phrases interminables pour tenter de combler le vide qui s'est installé depuis qu'il ne vit plus entouré de cinq enfants à élever.
tu sais t'en sortir. même tout seul, dans une ville inconnue, avec à peine 100 yen en poche, tu trouverais de quoi survivre. Les études, ce n'était pas fait pour lui. Ce n'était pas forcément le plus intelligent de la bande, et il avait un esprit trop pratique pour résoudre des problèmes abstraits sans avoir des moyens concrets de les résoudre. Trouver comment effacer en urgence en 10 minutes des taches sur un tapis précieux,
oui bien sûr, calculer l'angle d'un triangle,
pitié non. Savoir quel général a commandé quelle bataille il y des siècles,
au secours, se souvenir de cette fameuse soirée du 13 mars 1999 et de pourquoi ce type nous doit ¥250,
évidemment. Une fois l'âge obligatoire jusqu’au quel on doit aller à l'école passé, la question ne se posait pas.
Allez, hop, au boulot, mon gars.Et pour bosser, il a bossé, on ne va pas se mentir. Des petits boulots de toutes sortes, rien de très fameux ni de quoi être fier quand on rentre voir sa famille pour fleurir les tombes, mais tant qu'on se remplit le ventre... Il avait certains talents avant de commencer, il avait par exemple appris à cuisiner pour pas grand chose des portions pour un petit régiment en cuisinant pour sa famille, et le reste, il l'apprit sur le tas en étant plongeur, videur, réceptionniste, téléconseiller, vendeur... Quelques mois par ci, quelques mois par là. Il a même l'impression de s'en sortir, d'être un héros, avec son nouveau quotidien de citadin. C'était le gosse de la campagne qui prouvait à tout le monde qu'il s'avait faire quelques chose d'autre de ses dix doigts que nourrir les chèvres et se casser le dos à récolter les pommes de terre.
En quelques années, il arrive à s'installer, à rencontrer du monde, s'amuser. Les ovins semblent bien loin dans les salles de jeux plus ou moins légales, à boire du thé qui mousse. Il dépasse toutes les attentes qu'il avait mais il lui en faut plus, toujours.
C'est pas assez, non, vraiment pas. Dès qu'il pense atteindre enfin le bonheur, il coule entre ses doigts et s'échappe.
tu n'arrives pas à te coucher, hein ? à arrêter tant que les pertes sont minimes ? Il y a forcément plus que ce que la vie semble être au premier abord. Trouver un travail, avoir une situation stable ? On s'ennuie. Avoir enfin un logement à soi et ne presque pas courir partout pour payer le loyer ? Oui, et alors. Quelqu'un qui partage ta vie et t'apprécie ? Mais qu'est-ce qu'on en sait, déjà, que cette personne ne voit pas quelqu'un à côté ? Est-ce qu'on est vraiment le seul dans leur vie ? Oui, ça le pousse à avancer. Mais il faudrait parfois savoir s'arrêter.
Plus d'argent, aussi, c'est dangereux. Bien sûr qu'on ne peut pas gagner tous les soirs sans un petit coup de pouce du destin, ou carrément en lui forçant la main. Mais bien sûr, que ça finit par se savoir. Évidemment, qu'on la remarque, ta petite remarque de sale tricheur et ton air détestable et condescendant du jeune encore dans la vingtaine et déjà sûr de tout.
C'est écrit sur ta face. Bientôt écrit sur ta main, aussi. Le seul moyen de sauver les meubles
est d'y laisser une phalange, beaucoup de dignité et... de partir loin, loin, et ne plus jamais se faire remarquer, tiens la capitale c'est parfait pour se fondre dans la masse. Un boulot simple, pas de quoi trop se démarquer, allez, pars te cacher derrière les fourneaux, tant pis si le patron est insupportable.
la bague au doigt, ça fait tout drôle, même après deux ans, tu ne t'y fais pas. ça ne se passe pas toujours bien mais pas de quoi interrompre tout ça, hein ? Il pense l'aimer, et ça se passe bien. Le restaurant est maintenant à son nom depuis quelques jours, un minuscule boui boui où l'on se cogne les coudes dès qu'il y a plus de 5 clients avec un loyer pourtant hors de prix, mais le banquier n'est plus aussi furieux. Il faut travailler dur, certes, et rogner sur les heures de sommeil, sur le temps libre, tout, mais à 30 ans, c'est plutôt bien. ... Mais c'est pas assez.
Il lui faut plus, il a l'impression de stagner. Trois longues années d'
ennui. Avec ses propres moyens... Il ne peut pas aller plus loin. Il lui
faut plus, pourtant.
Par chance, l'un des clients semble avoir la solution. Mois après mois, il lâche des conseils, quelques indices, tâte le terrain et lui demande s'il est prêt pour la solution pour s'en sortir.
Oui, c'est un démon, le vrai de vrai, qui semble être assez sympathique pour avoir pitié de toi. Ne t'inquiètes pas, il ne demande pas grand chose, juste quelques services, par ci par là. Rien de bien méchant, non. Bon, ça implique surtout de faire des sales coups aux gens, des petites crasses et de garder ses oreilles ouvertes lorsque les clients en état d'ébriété se confient, pour tenter de repérer des sorciers.quel beau merdier. Sugimoto Shohei se rend compte qu'il a raté, monumentalement. Principalement car il sait qu'il vient de mourir, là, à l'instant, alors qu'il lui restait tant à faire. Les événements autour du 15 mars 2004 sont particulièrement flous, peut être car plus grand chose n'a d'intérêt lorsque l'on comprend que l'on ne pourra plus rien faire
du tout. Tout ça pour obtenir, enfin, la cerise sur le gâteau, la récompense promise depuis 3 longues années par ce démon, la réalisation de ses rêves les plus fous, tout ça gâché et parti en fumée comme ça ? C'est
inacceptable. A peine 3 décennies, c'est pas assez, il faut plus. Il s'accroche à ce sentiment, cette colère, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que ça.
tu fais comme si rien n'avait changé, mais tout est différent. évidemment. Il a rouvert les yeux alors qu'il pensait les fermer pour la dernière fois, c'est certes une énorme victoire mais il a perdu plus que quelques jours dans le coma. Il n'avait plus de nouvelles du démon, sûrement furieux qu'il ai échoué, mais il avait l'impression d'avoir gagné la même envie de traquer les sorciers et les voir disparaître un à un. Et les humains... Ils sont là, ils existent, oui, mais ils font partie du décor. Des marche pieds remplaçables pour continuer sur sa lancée, continuer de s'élever.
Il a vu les valises dans l'entrée après être rentré du travail encore bien plus tard que d'habitude. La demande de divorce qu'on lui tendait.
Tant pis. Il avait changé ? Oui peut être. Pas besoin de vendre son âme à Satan pour rater son mariage. Mais cela a sûrement du aider, lorsqu'il se rendit compte que quand ils partageaient le même lit, il était de plus en plus souvent réveillé par des cris d'horreur dans la nuit.
En vivant seul, il avait maintenant plus de temps libre mais à quoi l'occuper ? Il voulait bien traquer les sorciers, mais comment les reconnaître ? On entendant de plus en plus de rumeurs à leur sujet, alors ils se faisaient de plus en plus discrets et paranoïaques.
On est plus tenté de se confier, lorsque la personne avec qui l'on discute vient de le faire elle même. En réfléchissant à partir de ce postulat de base, il lui revint à l'esprit les nombreux devins et autre charlatans de sa jeunesse qui se permettaient de faire le tour des villages les plus reculés et jouaient les médecins spirituels, annonçant cruellement quel enfant serait assez fort pour ne pas succomber à la maladie, ou quel jument enfanterait les meilleurs poulains. Peut être qu'il y en avait même des vrais, dans le lot, et qu'ils ne mentaient pas tous quand ils sortaient leurs cartes ou qu'ils agitaient leurs osselets. En tout cas, les portes s'ouvraient facilement pour eux. Il décida donc de les imiter, pour tenter de les attirer. Il ne fallait pas que cela se sache trop, sinon on le prendrait pour l'un de ces répugnants escrocs, mais ses clients les plus vulnérables n'hésiteraient sûrement plus longtemps à se confier s'il se cachait derrière ces prédictions ridicules et une clairvoyance truquée.
le plan... ne s'est pas déroulé comme prévu. Il pensait s'être éloigné des humains et ne plus rien avoir à faire avec eux à part exister sur la même planète, mais... C'est plus fort que lui. Après des années à les entendre raconter ce qui leur pèse, ce qui les rend confus et malheureux, il a envie de faire quelque chose pour les aider. Il le fait, même, parfois. Il sait que ses pouvoirs servent sûrement à les terrifier ou les faire s'agenouiller devant l'être supérieur qu'il est sûrement mais... S'il entre dans les rêves d'une cliente qu'il a croisé, il ne peut s'empêcher d'essayer de lui faire comprendre inconsciemment que son copain n'est pas une bonne personne et qu'elle devrait le quitter. Si elle revient toutes les semaines pour s'en plaindre... Peut être qu'il faudrait qu'il soit lié à quelque chose qui la terrifie ? Il n'hésite alors pas à créer des phobies pour aider les gens à éviter ce qui leur ferait du mal.
Il risque sûrement gros et il perd peut être du temps, à chouchouter les humains comme des poussins tombés du nid, mais l'attachement qu'il avait depuis toujours et qui venait de ses frères et sœurs en tant qu'aîné ne s'était qu'amplifié maintenant qu'il est plus qu'un humain.
C'est dur de continuer de traquer les sorciers de cette manière, maintenant qu'ils sont aussi poursuivis par la justice et ce n'est pas la plus efficace, mais tu ne changerais pour rien au monde, hein ? ☼